Pêche, aquaculture : le point sur les pratiques

À l’occasion du premier avril, Welfarm vous propose quelques points de repères sur  la production de poissons. Car un acheteur mieux informé en vaut deux !  

Un marché national dominé par la pêche

La production française de produits de la mer (poissons, coquillages, crustacés, céphalopodes et assimilés) provient pour les deux-tiers de la pêche – 465 000 tonnes, soit 67 % en 2016. Alors que la conchyliculture (huîtres, moules et autres coquillages) compte pour plus d’un quart – 192 000 tonnes, soit 27 % en 2016 – de l’ensemble de la production, la pisciculture (élevage de poissons en eau douce ou eau de mer) est encore peu développée en France (1) et ne représente que 6 % de l’ensemble de la production.

La pisciculture produit environ 50 000 tonnes de produits. Les trois espèces les plus représentées en France sont la truite arc-en-ciel (largement en tête), le bar et la daurade. En 2017, plus de 50 millions de truites, de bars et de daurades élevés en France ont été abattus dans les élevages.

Du côté de la consommation des ménages, la répartition entre produits de la pêche et produits de l’élevage suit celle de la production, avec 68 % des achats de poissons, crustacés et coquillages provenant de la pêche contre 32 % issus d’élevages. Toutes filières confondues, un Français consomme en moyenne 34 kg de poissons et autres produits de la mer par an.

Bien qu’elle se place au troisième rang des pays de l’Union européenne producteurs, la France n’est pas en situation d’auto-suffisance en ce qui concerne les produits de la mer. Elle recourt donc aux importations (1 166 milliers de tonnes en 2018, d’après FranceAgrimer), tout en exportant également une partie de sa production (354 milliers de tonnes en 2018, d’après FranceAgrimer) – en particulier, les produits issus des captures des thoniers français à travers les mers du globe.

Pêche et aquaculture : des enjeux différents…

Au-delà des différences dans le mode de production (capture versus élevage) et des espèces concernées, les enjeux en matière de protection animale diffèrent à plusieurs égards.

Concernant la pêche, les préoccupations sont fortes quant à la surpêche (effondrement de certaines populations, déséquilibre entre les espèces), au recours à certaines méthodes de capture particulièrement douloureuses, aux « prises accessoires » qui entraînent la mort de millions d’animaux non ciblés piégés dans les mailles des filets « par erreur », ou bien encore à la pollution et l’altération du milieu naturel… Si les suivis réalisés par l’Ifremer soulignent l’amélioration de l’état écologique des poissons pêchés dans les mers françaises au cours de ces vingt dernières années, notamment grâce à la mise en place de quotas de pêche, ils montrent que plus d’un quart des populations souffrent encore de surpêche.

La pisciculture s’affranchit de certaines de ces problématiques (maîtrise de la qualité de l’eau, de la reproduction pour la majorité des espèces élevées, etc.). Il existe néanmoins une préoccupation commune à ces deux filières :  les méthodes de mise à mort des poissons. Par ailleurs, ces deux filières sont intimement liées puisque l’alimentation des poissons d’élevage contient une proportion importante de de farines et d’huiles de poisson issues d’animaux pêchés.

… mais des marges de progrès et des améliorations possibles

L’impact des méthodes de pêche sur la biodiversité, de même que le stress et les souffrances inhérentes aux techniques de capture peuvent et doivent être réduits. Des organisations œuvrant pour la protection de la biodiversité ou ayant développé une expertise sur les pratiques de pêche, telles  que Bloom ou Eurogroup for animals, mènent de nombreuses actions pour faire évoluer les pratiques. La mission de Welfarm étant centrée sur les animaux d’élevage, ses actions en faveur des poissons portent naturellement sur l’amélioration des pratiques en pisciculture.

Zoom sur les espèces de poissons d’élevage les plus consommées en France

Les poissons d’élevage ne représentent en France que 11 % de la consommation totale de produits de la mer. Les espèces les plus consommées proviennent soit essentiellement de la pisciculture française (truite), soit majoritairement d’importation (saumon, bar, daurade).

Le saumon

Avec 1,5 millions de tonnes produites chaque année, le saumon est la première espèce élevée et consommée en Europe. Les saumons consommés en France (2) proviennent d’importations : Norvège, Angleterre et Îles Féroé en tête.

Les conditions de production des saumons posent plusieurs problèmes en termes de bien-être animal : les conditions de transport et de manipulation lors des transferts des animaux entre les différentes zones d’élevage et d’abattage ; les manipulations endurées par les poissons, en particulier des cheptels de  reproducteurs (extraction des œufs et récolte de la semence) ; les densités extrêmement élevées dans les bassins à terre et les cages en mer… Par ailleurs, la proximité des sites d’élevages augmente les problèmes de santé chez les saumons et conduit à leur administrer régulièrement des traitements médicamenteux. Les écosystèmes proches des élevages de saumons sont de surcroît exposés par les maladies, les parasites et d’autres problèmes de santé.

La truite arc en ciel

Près de 300 000 tonnes de truites sont produites dans l’Union Européenne chaque année, dont près de 35 000 tonnes en France (source : Agreste). Les Français consomment majoritairement de la truite d’élevage français (79 %), le reste provenant pour l’essentiel d’élevages espagnols.

Comme les saumons, les truites sont déplacées à plusieurs reprises durant leur élevage. Ces transferts sont à chaque fois source de stress, en raison des manipulations et du changement soudain d’environnement. Les poissons sont soit sortis de l’eau, soit aspirés par une pompe à travers un gros tuyau. Cette seconde technique, bien qu’éprouvante, évite le choc de la mise hors de l’eau. Le milieu de vie des truites dans les bassins d’élevage est évidemment très différent de leur environnement naturel. À l’instar des autres animaux détenus dans les élevages intensifs, elles vivent dans un environnement très pauvre en stimulations, ce qui compromet l’expression de leur comportement naturel et leur bien-être : zones d’abri, activité de chasse, nidification, etc.   

La daurade et le bar

La production européenne de daurade et de bar s’élève à 93 000 et 78 000 tonnes respectivement. La Grèce, l’Espagne et l’Italie sont les trois principaux producteurs. L’élevage de daurades et de bars est peu développé en France, avec seulement 1 500 tonnes environ produites pour chacune de ces deux espèces.

Ainsi, la pisciculture française ne fournit que 9 % de la consommation française pour la daurade et 18 % pour le bar. À noter que 20 % de la production nationale de bar provient de la pêche.

Ces deux espèces sont souvent élevées sur les mêmes sites, dans des conditions assez similaires. Les animaux sont élevés dans des écloseries spécialisées et grandissent dans des bassins à l’intérieur de bâtiments. Ils sont ensuite transportés vers d’autres sites d’élevage, souvent éloignés et parfois à l’étranger. La seconde étape de leur élevage se fait le plus souvent en mer. Les poissons sont placés dans de grandes cages flottantes dans les sites abrités, semi-submersibles ou submersibles dans les sites exposés. Ces structures sont généralement rondes ou carrées de 4 à 10 m de diamètre sur 7 m de profondeur, et comptent entre 1 000 à 2 000 individus.  Parmi les problématiques de bien-être les plus saillantes, se trouvent les densités élevées au cours des différents stades à terre et en mer, les manipulations en élevages notamment pour le tri des alevins, ainsi que les méthodes d’abattage extrêmement douloureuses qui demeurent autorisées.

Française, européenne, internationale ? La question de l’origine des poissons

La pisciculture française est soumise aux normes européennes de protection animale. Il n’y a donc pas de différences majeures en termes de bien-être animal entre un élevage français, grec, ou espagnol, à condition que les trois respectent les normes européennes. Évidemment, celles-ci sont très insuffisantes pour assurer le bien-être des poissons d’élevage. Il n’existe d’ailleurs pas de réglementation spécifique aux poissons, ni propre à certaines espèces. Cela est d’autant plus dommageable que les espèces les plus fréquemment élevées ont des habitats naturels, des comportements et des besoins très différents (zones côtières versus haute mer, vie en bancs versus vie solitaire, migrations…).

En restauration collective il n’est pas rare de retrouver des poissons d’Asie ou d’Afrique, tels que le tilapia, la perche du Nil ou bien le panga. La plupart du temps, aucune réglementation n’assure la protection de ces poissons, dont l’exploitation d’origine peut avoir des pratiques très éloignées des standards européens.

Poissons et bien-être animal 

Les poissons sont des êtres sentients, ils sont capables d’éprouver des émotions et de la souffrance. Ce sont des animaux étonnants, trop souvent méconnus et injustement méprisés. Leurs aptitudes, notamment cognitives, ont longtemps été sous-estimées. Par exemple, le poisson rouge est capable d’apprentissages et de mémorisation à long terme, contrairement au célèbre adage qui fait de lui un animal stupide… Derrière le terme générique « poisson » se cachent des milliers d’espèces avec chacune des particularités comportementales et des besoins propres, ainsi que des milliards d’individus singuliers… En outre, les études scientifiques n’ont commencé que récemment à s’intéresser à la sensibilité des poissons. Les connaissances s’affinent, mais les besoins propres à chaque espèce ne sont pas tous précisément identifiés.

Compte tenu des pratiques actuelles, les principaux points de vigilance quelle que soit l’espèce concernée, portent sur :

  • les conditions d’élevage : densité, conception des bassins et des cages en mer (forme, dimensions, matériaux, aménagements tels que les abris…), fréquence et méthodes de distribution de la nourriture, qualité de l’eau, etc. ;
  • l’état de santé des animaux : taux de mortalité, présence de blessures (frottement contre des matériaux inadaptés, morsures…) parasites, maladies de peau, malformations de la colonne vertébrale, etc. ;
  • la manipulations des poissons : nombre d’étapes de tri, temps passé hors de l’eau lors des manipulations, extraction des œufs et de la semence des reproducteurs (« stripping ») avec ou sans anesthésie, etc. ;
  • Les transferts et transports : méthodes de ramassage des poissons, nombre de transferts dans d’autres bassins ou d’autres sites d’élevage, durée et conditions de transport (les juvéniles sont parfois transportés sur des milliers de kilomètres en raison du faible nombre d’écloseries, par exemple, les sites de la Rochelle et Montpellier exportent en Espagne ou en Italie) ;
  • les méthodes d’abattage : les poissons devraient toujours être étourdis avant leur mise à mort, l’étourdissement électrique ou par choc frontal est à privilégier. La mise à mort dans l’eau glacée et/ou enrichie en CO2 demeure fréquente, mais est à proscrire, car les animaux souffrent pendant de longues minutes voire dizaines de minutes, avant de mourir de froid ou d’asphyxie.

(1) Il existe deux élevages de saumons en France, situés en Normandie, mais leur production annuelle est limitée à quelques centaines de tonnes.


(2) FranceAgriMer, 2019, Les filières pêche et aquaculture en France.